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Inondations et nappes phréatiques : quelle est la situation hydrologique fin 2023 ?

 

Introduction

Il n’a jamais autant plu en 26 jours. Entre le 18 octobre et le 12 novembre 2023, il est tombé 215,4 mm en moyenne sur le pays, selon Météo France. Il faut remonter en 1993 pour observer un tel volume cumulé d’eau de pluie : 196,9 mm entre le 21 septembre et le 16 octobre (sur une même période de 26 jours).

Rappelez-vous, c’est d’abord la tempête Ciaran qui a dévasté la Bretagne, puis ce fut au tour de Domingos et Elisa de frapper le Nord-Pas-de-Calais ; au total 3 tempêtes qui ont provoqué des crues et des inondations inédites.

Est-ce que ces précipitations abondantes de fin octobre et de novembre ont eu un impact bénéfique sur les nappes phréatiques ? C’est la question que tout le monde se pose.

Contextualisation pour un record de cumul de pluies inédit fin 2023

Les nappes phréatiques face aux événements extrêmes

Des phénomènes météorologiques extrêmes se succèdent depuis plusieurs années avec :

  • des vagues de chaleur comme pendant l’été record de 2022 avec des écarts pouvant aller jusqu’à +12° C entre les zones rurales et les plus grandes villes
  • l’été 2023 a connu également une vague de chaleur tardive, du 17 au 24 août.
  • des pénuries d’eau avec des périodes de sécheresse plus fréquentes et plus intenses entraînant des restrictions pour l’usage de l’eau
  • des inondations : la France est l’un des pays d'Europe les plus menacés par les inondations côtières.

+1,9°C: c’est le niveau de réchauffement actuel en France d’après le dernier rapport du Haut conseil pour le climat. À l’échelle mondiale, ce réchauffement est estimé à +1,1°C.

L'impact des inondations sur les nappes phréatiques

L’année 2023 marque donc un triste record. En France, des précipitations sans précédent ont marqué les territoires. Il n'avait jamais autant plu en 26 jours, entre le 18 octobre et le 12 novembre 2023.

Ces phénomènes, amplifiés par le réchauffement climatique, ne sont plus des exceptions mais des indicateurs d'un climat en pleine mutation.

Quel est l'impact de ces inondations sur les nappes phréatiques, ces réservoirs d'eau souterrains essentiels à notre environnement et notre survie ?

Les nappes phréatiques sont directement influencées par les changements climatiques. Traditionnellement considérées comme des réserves stables et fiables, elles sont désormais soumises à des stress hydriques importants.

D'une part, des périodes de sécheresse prolongées réduisent leur recharge naturelle. D'autre part, des inondations soudaines et intenses, bien que semblant leur apporter un surplus d'eau, posent de nouveaux défis.

Ces événements extrêmes peuvent entraîner une saturation rapide des nappes peu profondes, provoquant des inondations et des déséquilibres écologiques.

Inversement, certaines nappes plus profondes peinent à se renflouer, même face à des précipitations abondantes.

Cette situation complexe soulève des questions sur la gestion et la préservation de ces ressources en eau essentielles, dans un contexte où les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent la nouvelle norme.

L'impact des records de précipitations sur les nappes phréatiques

Les nappes phréatiques sont traditionnellement rechargées par l'infiltration des précipitations et le ruissellement des cours d'eau. Cependant, dans le contexte actuel, leur remplissage devient de plus en plus imprévisible et aléatoire en fonction de plusieurs critères.

Comment réagissent les nappes phréatiques ?

Lors de périodes de sécheresse prolongée, les nappes phréatiques subissent une diminution de leur niveau, car les précipitations insuffisantes ne parviennent pas à compenser la consommation et l'évaporation naturelle de l'eau. Cette baisse de niveau peut avoir des conséquences importantes, allant de la diminution de la qualité de l'eau - due à une concentration accrue de polluants - à des problèmes d'approvisionnement pour l'agriculture, l'industrie et les ménages.

D'un autre côté, lors de fortes pluies ou d'inondations, certaines nappes, en particulier celles qui sont peu profondes ou situées dans des zones géologiquement sensibles, peuvent être rapidement saturées.

Cette saturation rapide peut entraîner des inondations, avec pour conséquences des dommages matériels importants et des risques pour la santé publique. De plus, une infiltration trop rapide de l'eau peut empêcher la filtration naturelle par les couches du sol, ce qui peut conduire à la contamination des nappes par des agents pathogènes ou des polluants.

Le comportement des nappes phréatiques en réponse à ces événements dépend de leur situation géographique.

Par exemple, les nappes alluviales, souvent situées à proximité des cours d'eau, sont particulièrement vulnérables aux inondations, tandis que les nappes situées dans des zones rocheuses ou montagneuses peuvent avoir une capacité de recharge plus lente mais plus stable.

Face à cette réalité, il devient essentiel de comprendre et de surveiller la dynamique de ces nappes dans le cadre des changements climatiques, pour développer des stratégies de gestion adaptées.

Cela implique des efforts tant en matière de recherche scientifique, que de mise en œuvre de politiques de gestion de l'eau. Objectif : assurer la durabilité et la résilience de ces ressources essentielles face aux défis posés par les événements climatiques excessifs.

La situation hydrogéologique au 1er décembre 2023

Les pluies importantes qui ont marqué la fin d'octobre et novembre ont eu un effet positif sur les nappes phréatiques. 41% des niveaux sont en hausse.

L'infiltration des précipitations dans les couches profondes du sol a contribué à une amélioration significative des nappes dites réactives, tandis que l'effet est plus modéré pour les nappes à inertie plus élevée.

Définition d’une nappe dite réactive

Une nappe phréatique dite "réactive" se réfère à une nappe souterraine qui répond rapidement aux variations des précipitations. C’est une nappe d'eau que l'on rencontre à faible profondeur. Elle alimente traditionnellement les puits et les sources en eau potable.

Ce type de nappe présente des caractéristiques spécifiques qui influencent son comportement face aux apports d'eau de surface. Elles montrent une réponse quasi-immédiate aux événements de précipitations. Elles se rechargent ou se vident rapidement en fonction des apports ou des déficits en eau.

La gestion de ces nappes nécessite une attention particulière pour prévenir les inondations et assurer une fourniture d'eau durable.

Définition d’une nappe dites à inertie

Une nappe phréatique dite "à inertie" désigne une nappe souterraine qui réagit lentement aux variations des précipitations et aux changements environnementaux.

Les nappes à inertie sont généralement plus profondes par rapport aux nappes réactives. Cette caractéristique signifie que l'eau de pluie met plus de temps à s'infiltrer et à atteindre la nappe, créant ainsi un retard dans sa recharge ou sa vidange.

En raison de leur profondeur et de leur perméabilité réduite, les nappes à inertie montrent une réponse lente aux variations climatiques et aux événements de précipitations. Leur recharge ou leur vidange se produit sur des périodes prolongées.

La gestion des nappes à inertie nécessite une approche à long terme, tenant compte de leur lente adaptation aux changements environnementaux. Cela implique une surveillance continue et des prévisions à longue échéance pour une gestion durable.

Perspectives et évolution des inondations sur les nappes phréatiques

Le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) a fait un point, le jeudi 14 décembre 2023, sur la situation des nappes phréatiques françaises au 1er décembre.

Résultat : la situation s’améliore même si de nombreuses nappes sont encore à des niveaux situés sous la normale.

L’état des nappes reste géographiquement très contrasté.

Cette amélioration hydrogéologique n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire.

Au total, « 41 % des points d’observation sont en dessous des normales mensuelles », indique le BRGM.

C’est moins qu’au 1er novembre (65 %). C’est surtout moins que l’an passé à pareille époque, quand 70 % des points de contrôle affichaient des niveaux sous les normales.

Si les nappes réactives du nord et du sud-ouest de la France montrent des niveaux très favorables, celles de la Corse, du pourtour méditerranéen, de la plaine de la Limagne, du couloir Rhône-Saône, du sud de l'Alsace et du Bassin parisien restent en dessous des normales.

Dans les régions ayant bénéficié de pluies régulières, la recharge des nappes devrait se poursuivre, stabilisant ou améliorant ainsi leur état.

À l'inverse, un manque de précipitations pourrait entraîner une reprise de la vidange des nappes, dégradant leur état.

Une attention particulière est nécessaire pour les nappes situées sur la côte méditerranéenne, dans le couloir Rhône-Saône et dans le Sundgau (sud de l'Alsace), qui ont déjà souffert d'un étiage sévère.

Il y a cependant une "inversion brutale des tendances", note le BRGM. "Cela fait presque trois ans qu'on n'avait pas connu une situation aussi favorable", a souligné Violaine Bault, hydrogéologue au BRGM.

Voici une carte publiée par le BRGM sur la situation des nappes d’eau souterraines au 1er décembre 2023.

situation des nappes au 1er décembre 2023.jpg

Quelles sont les perspectives et comment agir ?

Pour 2024, la prudence reste de mise et il reste des zones critiques. "On est certes très satisfait que le début de la période de recharge des nappes soit excédentaire sur une large partie du territoire mais il faudrait qu'il continue à bien pleuvoir pour garantir de bons niveaux pour l'an prochain", a indiqué Violaine Bault.

"Amélioration ne signifie pas baisse de la vigilance, il serait irresponsable que les acteurs baissent leurs efforts" de préservation de la ressource en eau, a pour sa part enjoint le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.

“Il faudrait qu'il continue à bien pleuvoir pour garantir de bons niveaux pour l'an prochain », indique Violaine Bault.

Il est nécessaire de déployer des mesures afin de nous adapter à ces conséquences déjà présentes et anticiper celles à venir. Par exemple, en repensant et en végétalisant les villes pour y limiter l’impact de la chaleur, ou en développant une agriculture plus résiliente au changement climatique, comme l’agriculture biologique, plus économe en eau et meilleure pour les sols.

Face à ces défis, des solutions innovantes et des initiatives de gestion durable de l'eau émergent. De la collecte de l'eau de pluie à son stockage dans une citerne souple, aux technologies de surveillance des nappes, en passant par des politiques publiques éclairées, une variété de réponses est explorée pour préserver cette ressource vitale.

Chaque particulier, professionnel ou collectivité peut par exemple récupérer l’eau de pluie et la stocker dans une citerne souple, pour faire face aux épisodes de sécheresse, qui se multiplient et ainsi se prémunir.

Conclusion

La situation des nappes phréatiques en France, face aux inondations récentes, est un puissant rappel de la fragilité de nos écosystèmes et de la nécessité d'une action concertée.

Pour y faire face, la France va devoir déployer des mesures d’adaptation pensées sur le long terme, pour adapter son territoire aux conditions climatiques en évolution.

C'est un appel à une prise de conscience collective et à une mobilisation pour la préservation de nos ressources en eau dans un monde en évolution rapide.